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3 juillet 2018 2 03 /07 /juillet /2018 10:00

En 1732, la place du marquis de Faverges (Duché de Savoie – Royaume de Sardaigne) soit Place Carnot de Faverges d'aujourd'hui (Département de la Haute-Savoie - République Française), appartenait au Seigneur qui y exerçait son droit de justice, et y avait auparavant placé un pilori. Par succession, elle devint propriété de Messire Charles Joseph Joachim MILLIET (1726-1787), marquis de Faverges, ( également comte de Montebello, seigneur de Marlens, co-seigneur de Saint Ferréol et de Seythenay, seigneur de la maison forte de Caton et de la maison forte de la Balme ).

Au-delà de la rue qui entourait la ville, la maison isolée en n°1055 ( colorée ci-contre ) dite "des Pères Capucins" – car ils y venaient tous les ans durant le temps de carême s'y faire héberger dans quatre chambres et une cave - était la propriété de Balthazard DIDELLE, puis de la confrérie du St Sacrement en 1786 par adjudication.

Essai de datation

Sa datation doit s'apprécier en prenant pour référence les rues de Faverges qui sont, chronologiquement de la plus ancienne à la plus récente sur la mappe sarde, la "rue de la Roche" ou "rue Vieille" soit "rue Nicolas Blanc", puis la "rue centrale" soit "rue Carnot", et enfin la "rue tendante du couchant" soit la "rue Victor Hugo" dont les maisons servaient de mur d'enceinte.

Ainsi, pour l'ensemble des rues, la datation irait du haut moyen âge pour l'époque où le château était en bois, au XIIe siècle, concomitamment avec la tour actuelle du château et les maisons de part et d'autre de la rue au-dessus du Biel, puis la deuxième rue avec la place du pilori (Place Carnot), et enfin tel qu'on peut l'observer au XVIIIe siècle, la 3e rue servant de protection générale en entourant la ville.

Cette maison n°1055 ne présentait aucune tour permettant le guet dans l'enceinte puisqu'elle n'en faisait pas partie, étant située au-delà des maisons, dans un secteur sans voie de communication. Nous verrons plus loin son utilité.

Nota : On peut comparer cette prétention du chanoine Duret avec ses propres dires sur celle d'un vicus à Viuz de 2500 personnes, plus important que Boutae, à l'époque romaine ( ! ! ).

L'incendie de 1783

Cette maison des Capucins est située dans le secteur incendié en 1783, dans le grand embrasement de la ville du 19e avril (Bernard Pajani, Le jour où Faverges brûla, Editions BP, (ISBN 9782953485813),). On peut remarquer l'adjonction de la partie droite qui avait sans aucun doute disparu lors de cet événement, la trace noire étant recouverte par la chaux de construction.

[ Vue de la tour en début juillet 2018 ]

Réquisitionnée comme bien national en 1793, elle devint la propriété de la Communauté de Faverges, et a été achetée par Jean Pierre DUPORT en 1800, puis enfin par les sieurs Antoine CHAPELLE et THORENS en 1818. Contiguë à cette maison, il n'existait aucun membre de maison qui pouvait permettre d'engendrer une enceinte du bourg de Faverges. Cette dernière était formée par l'alignement des granges et maisons de la rue Victor-Hugo qui portait alors le nom de ''Rue tendante du Couchant''.

La place Carnot (place centrale) ayant été ouverte vers le nord-ouest, la placette en n°1144, et la démolition des maisons en n°1143 et 1145 et de la grange en n°1146 ont permis l'ouverture de la route de Grande Communication de Faverges à Annecy, de 1818 à 1824 (dite route Victor-Emmanuel).

L'angle arrondi n'a pas été détruit lors de la construction de cette voie de communication (nous verrons plus loin son utilité dans le premier édifice), mais intégrée à l'arrière de l'hôtel qui fut construit le long de la route, l'Hôtel Savoyen, avant de devenir la propriété de la famille Fossorier et le magasin de "La Belle Jardinière".

De l'inexistence d'une tour moyenâgeuse

Car en effet, comment imaginer que des Pères Capucins aient été chargés à une quelconque époque de protéger les habitants d'un bourg des attaques ennemies, alors que leur principale préoccupation était l'enseignement ou la pratique religieuse ? D'autant plus que le 2e étage de la maison ne pouvait pas être loué en raison de la venue des Frères Capucins pour leur retraite annuelle ? Comment imaginer qu'une tour de défense puisse exister au-delà des murs de la ville, sur des prés que l'on appelait Les Prés marchands, sans route d'accès pour pénétrer dans celle-ci ?

Quant à y reconnaître une origine plus ancienne, cela fait partie d'un imaginaire de contes pour amuser les jeunes enfants, se valoriser pour plaire aux touristes !

Une visite des lieux durant la phase de débarras des biens intérieurs avait permis de constater que cette tour n'avait jamais eu d'escalier en colimaçon pour y monter (ce qui était la caractéristique principale, unique et incontournable d'une tour de guet), mais possédait des planchers à tous les étages. C'est la raison pour laquelle nous avons parlé de "destruction", car elle n'existait pas en l'état supposé mais comme une adjonction à un bâtiment principal, ce qui sera prouvé par la découverte d'un acte notarié descriptif.

On y voit encore clairement un lavabo, preuve de la présence en ce lieu d'un cabinet d'aisance.

De l'utilité de la tour d'angle

 

L'angle arrondi de la maison « La Belle Jardinière » (maison du 1er plan) située à l'angle ouest de la parcelle 2312 (cadastre actuel), ne comporte pas de tour de défense moyenâgeuse : on doit y reconnaître précisément la façade extérieure (d'un escalier intérieur qui a été abandonné au profit d'un agrandissement des pièces, mais cela anciennement ) de latrines sur deux étages construites en addition au-devant de la maison, comme cela est décrit dans un acte d'état du 20 octobre 1786, par le notaire royal Pierre Prévost, dont voici des extraits.

« Je Claude fils de feu Claude DUNAND [ je suis âgé d'environ 53 ans, laboureur et charpentier de profession, mes biens valent environ 12 000 livres, et au surplus je ne suis point parent, allié, créancier, débiteur, ni domestique des parties. ] natif et habitant de la parroisse de Seytenex ensuite du serment que je viens de prêter entre vos mains, vous dis et rapporte que je suis très instruit de la situation, dénomination, contenance, confins, bonté, valleur, et produit des pièces dont vous venez de me faire lecture des confins, lesquels j'estime, savoir la maison posséddée par le dit sieur DIDELLE située rière Faverges appellée la maison des Capucins consistante en deux appartements, savoir au Rey-terre d'une boutique, une cuisine, une chambre et un cabinet, et au second en une cuisine, une chambre, un cabinet, et une autre chambre part du Nord de la première sous laquelle est une espèce d'écurie, à 300 livres seulement, vu que cette dite maison est affectée d'une servitude qui en déprécie la valeur, le propriétaire étant obligé de fournir aux Capucins qui viennent tous les ans, en station pendant le carême quatre chambres et une cave, lequel occupe tout l'appartement du second, et par cette raison il devient sans produit dèz qu'on ne peut le louer ... »

« Je Claude fils de feu François FILIARD [ je suis âgé d'environ 33 ans, charpentier de profession, mes biens vallent 500 livres ] maître charpentier natif de la parroisse de Grésy en Genevois, habitant audit Faverges, ensuite du serment que je viens de prêter entre vos mains, et la visitte que je viens de faire des bâtiments dont s'agit, vous dis et rapporte qu'ils consistent en deux appartements l'un au premier qui est un Rez-terre, où ils s'y trouvent une boutique au levant, une cuisine, un cabinet voûté, et une autre chambre au couchant de ladite boutique, et au second il y a une cuisine, une chambre soit poële, et un cabinet voûté, et des latrines qui sont construites en addition au devant de ladite maison, et sur l'aile de ladite maison part de bise, il y a une autre chambre à laquelle on parvient par une mauvaise galerie, et au-dessous de cette chambre qui est petite, il y a une espèce d'écuirie au-dessous ... ; il se trouve un couvert au-dessus de la tour, soit les deux cabinets dont j'ai parlé cy-devant, lequel couvert se trouve pourri par défaut de manutention, il faut y replacer deux chevrons de 10 pieds de long et deux autres de huit pieds de long, sur quatre poulces à la queüe, lesquels chevrons j'estime approvisionné à trois livres... »

 

Amis visiteurs ! Lorsque vous parcourrez Faverges, en contournant le mas de la Belle Jardinière, vous ne manquerez pas de guider vos yeux vers cette particularité locale :

les latrines de la tour des Capucins

Une nouveauté en juillet 2018 :

La mairie de Faverges a entrepris de construire une halle qui jouxtera cette tour à toilettes publiques. Les travaux de démolition ont commencé et la fameuse "tour à latrines" restera donc en place afin de jeter un regard vers sa grande sœur, la tour du château sur laquelle l'une des municipalités précédentes y a fait élever un hourd, autre élément anachronique dans le paysage savoyard.

Mais les municipalités qui se succèdent ne sont pas à un anachronisme près, trompés par un savoisien patoisant "qui ne parlait pas le français", ou par une architecte d'un cabinet grenoblois qui "par choix personnel" a prévu une couverture de la halle en tavaillons, comme on le verra dans quelque temps.

La mairie révèle enfin la vérité en août 2018 :

En plus du patoisant savoisien et de l'architecte lauréate du concours cités précédemment, il convient de donner l'entière responsabilité du maintien de cette élévation à l'architecte référente des bâtiments de France qui, lorsqu'elle était en poste, a choisi de conserver cette élévation noircie par l'incendie de 1783. Alors que son successeur aurait pris une position inverse.

Parions que ce patrimoine de Faverges perdra toute trace de cet incendie, mais qu'en devenant un abri à sanitaires, il redeviendra ce qu'il était à l'origine, "les latrines de 1786".

Ainsi le patrimoine de Faverges sera conservé.

Exit "la tour moyenâgeuse" !

Vive la tour MMXVIII !

 

Signification :

Deux étymologies sont proposées :

  • Avant le Moyen Âge, on utilisait des vessies de porcs mâles (car les vessies des femelles étaient bien trop fines et donc cassantes) comme contenants (outres…) pour leurs qualités d’étanchéité et de praticité. Dans l’ancienne langue française, la lanterne était une histoire inventée, creuse et vide comme la vessie. La comparaison entre ces deux mots a donné cette expression.

  • La seconde se réfère au sens « baliverne » du mot « lanterne », et au fait qu’une vessie ne contient que de l’air, c’est-à-dire rien du tout. [Wikipédia]

  • Pour ma part, je penche pour la 1ère signification étymologique : Se tromper lourdement dans ses explications. Ne nous laissons donc pas berner par quelque cicérone mal informé, dût-il être un chanoine dur et méprisant des historiens !

© Bernard Pajani - Historien savoyard
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  • Pajani Bernard-Marie
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges.
Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges. Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.

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