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26 mars 2015 4 26 /03 /mars /2015 06:00

Un grand industriel favergien tombé dans l'oubli

Un grand industriel français du nom de Jean-Pierre Duport subit une méconnaissance de tous les historiens successifs de l'histoire de la Savoie. Ce personnage né à Faverges souffre d'une "importante" homonymie avec son cousin qui a développé l'industrie du coton dans la Manufacture d'Annecy, avec lequel un amalgame complet (et jamais corrigé jusqu'à ce jour !) est systématiquement effectué.

Trois différences primordiales permettent de distinguer les deux cousins. Celui d'Annecy travaille le coton dans une manufacture dénommée « Duport et Compagnie » et alimentée par le Thiou, tandis que celui de Faverges travaille la soie dans un établissement appartenant à « Duport-Blanc » et bénéficiant des eaux du Biel.

Une absence permanente de recherche historique locale et de publications étayées, depuis plus de 30 ans, se fait cruellement sentir, comme on peut le constater à chaque fois qu'il est fait référence au passé favergien, et nécessite de rétablir la part qui appartient à notre grand industriel savoyard qui, bien que né et mort en duché de Savoie (royaume de Sardaigne), a pourtant été aussi un industriel français, durant la période où il travaillait à Lyon, puis à Faverges jusqu'à la réintégration de la Savoie dans les États sardes, comme son gendre Nicolas Blanc qui prendra sa suite, en 1822.

L'industriel Jean-Pierre DUPORT, savoyard, français et favergien

Repères biographiques : 74123 N DUPORT J-Pierre FRAD074 EDPT 0123 GG 0002 0196Jean-Pierre DUPORT naît le 13 octobre 1756, à Faverges, dans le duché de Savoie, fils des honorables Pierre Duport (originaire de Termignon en Maurienne) et Jeanne Marie Rey (de Conflans en Tarentaise).

Après ses études, et une formation d'apprenti armurier chez Maître Jean-Baptiste Bedel à Faverges [Source : Tabellion de Faverges 6C365_1772], il part à Lyon, à la suite de son cousin du même nom, né en 1749, à Termignon, pour se former dans l'industrie de la soie.

JP-Duport MRose-Milanais 1798 (3)Le 5 septembre 1797, il s'y marie avec Marie-Rose Millanois, fille d'un riche imprimeur, seigneur de la Thibaudière, [Source : Archives communales de Lyon (division du midi)] dont il a trois filles, Anne Aimée Rose, Cléonice Marguerite et Alix Françoise Aline. [Source : Archives en ligne de Lyon]. La seconde deviendra l'épouse de Nicolas Richard-Blanc, le futur baron Blanc. Son union est bien caractéristique d'une personnalité hors du commun, car quel membre de la noblesse de cette époque donnerait sa fille à un simple roturier, né dans un pays de cultivateurs et laboureurs, si celui-ci n'avait pas des dispositions reconnues et certifiées ?

Pour se distinguer de son cousin homonyme, il signera très souvent « Duport le Jeune », contrairement à celui-là qui signera parfois « Duport l'ancien ».

74123 Signature DUPORT le Jeune 10L45b (14)L'entreprise de Faverges : 

A Faverges, son cousin Antoine Duport, aubergiste et père de quatorze enfants, a subi les ravages de l'incendie qui détruisit 85 maisons le 19 avril 1783, le ruinant complètement. Le 19 juin 1799, Jean-Pierre Duport rachète ses propriétés, à l'est de la ville, d'un montant de taille de plus de 22 livres. Ayant amassé un pécule important dans la soie lyonnaise, il entreprend de s'installer dans sa ville natale, en présentant un dossier au préfet du département du Mont-Blanc, pour y construire ''une usine de tissage et de blanchisserie de la soie'', en bénéficiant des eaux du Biel. [Archives communales_Délibération du 20 vendémiaire An 14]

Dès 1806 (voire même après 1824 -cela reste à vérifier-, après la construction de la nouvelle route d'Annecy à Albertville à travers Faverges), il construit ses premiers ateliers sur un emplacement entièrement vierge de toutes constructions hormis les artifices le long du biel de la route du Thovey. D'autres bâtiments abritant des ateliers de blanchisserie seront établis en amont du biel, ''les bâtiments du haut''. Ses affaires sont si florissantes que le Préfet du département du Mont-Blanc le sélectionne, avec son cousin homonyme d'Annecy, en 1808, pour concourir au prix décennal qui sera accordé au fondateur de l'établissement le plus avantageux à l'industrie nationale, « pour les grands ateliers qu'il a montés dans la commune de Faverges pour le tissage des mousselines à l'instar des mousselines des Indes et de Suisse, pour les étoffes en soie, pour les broderies, pour l'extension qu'il a donné à ce genre d'industries en formant des dépôts de métiers et des annexes de son atelier principal dans les communes environnantes. » [Source : courrier du 11 octobre 1808, du préfet du département du Mont-Blanc]

En 1810, ses établissements occupaient 7 à 800 personnes des deux sexes, et s'étendaient jusqu'à Moutiers, Conflans, Grézy, L'Hôpital, Ugine et quelques personnes d'Annecy. ''Ils faisaient confectionner des mousselines unies, broderies et étoffes de soie, exportées à l'étranger, en Italie, Allemagne, Belgique, etc...''

 Le 24 février 1812, il achète le château de Faverges à Agathe Louise Gabrielle Milliet, comtesse Leproti de Fontanetto, qui avait pu racheter ses biens saisis par la Révolution française, pour s'y installer avec sa famille. Il doit acquitter un montant de taille de moins de 9 livres. [Livre "Le jour où Faverges brûla" - Bernard Pajani - ISBN 978-2-9534858-1-3 - Editions du Pré]

Dès 1813, les guerres napoléoniennes le contraignent à réduire ses exportations. Ses ateliers occupent encore 180 à 200 personnes : « Toutes les matières que j'emploie sont préparées et teintées à Lyon comme lorsque j'y avais ma maison de commerce. Mes exportations peuvent aller jusqu'à 200 milliers de francs par an. Je n'emploie que des soies de France, point de celles de l'Italie et du Piémont. » [Source : Lettre du 10 avril 1815 signée Duport le Jeune.]

Après 1815 et le retour de la Savoie dans les États sardes, la fabrique d'étoffes de soies de MM. Duport et Blanc de Faverges expédie ses soieries en Allemagne et dans les autres états du nord de l'Europe dont la Russie. [Source : secrétaire d'Intendance du Genevois ADHS 4FS 478]

Un inventaire du 5 novembre 1821 montre que la fabrique d'étoffe de soies établie à Faverges par MM. Duport et Blanc occupe 347 individus et le montant de sa fabrication « s'élève à 450 000 fr. par année dont 90 000 fr., montant des diverses mains d'œuvre, est un bénéfice industriel pour la province, tandis que les 360 000 fr. de surplus forment un bénéfice industriel pour les États de S.M. puisqu'il est produit par la valeur des soies de Piémont qui y sont mis en œuvre. »[Source : secrétaire d'Intendance du Genevois ADHS 4FS 478]

Un second rapport indique que les fabriques d'étoffes de soie des Sieurs Duport Jean-Pierre et Blanc Nicolas occupent 310 ouvriers (150 selon l'inventaire récapitulatif de l'intendant, ce qui voudrait signifier que 160 ouvriers travaillent à domicile) et correspondent avec l'Allemagne, l'Italie, la France et la Suisse.

Le 16 mai 1822, Jean-Pierre Duport fait connaître à l'Intendant qu'il n'existe pas "en Savoye d'établissement qui monte en trame les cocons depuis que le moulin de M. Favre de Chambéry a cessé de travailler et que les « grèzes » fabriquées avec ces cocons passent la fraude en France." Jean-Pierre Duport fait connaître au directeur des Douanes royales de Chambéry que son établissement était très disposé à donner plus de main d’œuvre à ces soies qui sont récoltées en Savoie, car sa manufacture peut accueillir cinq à six fois ce qui résulte d'une bonne récolte. Par la même occasion, il précise que la rémunération d'un ouvrier est de 40 à 50 francs par jour, « mais la malice et les mauvaises conduites ont occasionné une révolte qui n'a cessé d'être soutenue comme elle l'est encore par certaines personnes qui ne cessent à présent de favoriser l'émigration par de faux certificats de bonne conduite ». [Source : secrétaire d'Intendance du Genevois ADHS 4FS 479]

Marie Bouvard-1957Dans tout le mandement de Faverges, le nombre de tisserands à domicile est égal au nombre de métiers à tisser, soit 16 pour le chef-lieu du mandement, 4 pour St-Ferréol, 4 pour Marlens, 3 pour Montmin, 6 pour Gyez, 9 pour Seythenex et 2 pour Cons. Il existe aussi des métiers inemployés qui sont dits « en chômage », 6 pour Faverges, 1 pour Marlens et 6 pour Gyez, donc des possibilités plus importantes de production de tissus. Par contre, Doussard ne comporte ni métiers ni tisserands. En rapprochant ce nombre de 44 pour l'ensemble du mandement de ceux de la ville d'Annecy (58) ou de la ville de Rumilly (116), on se rend compte de l'importance de cet artisanat.

Tous les hommes mettent le fil en écheveaux. Aucune femme ne travaille sur un métier. L'ensemble des tisserands produisent 11 pièces de 42 aulnes de toiles rayées, 28 pièces de 42 aulnes de chanvre et de lin unies avec du fil de 1ère qualité appelée « ritte », 51 pièces de toile de chanvre et de lin de 3e qualité.

Pour ses usines de Faverges, M. Jean-Pierre Duport qui signe "Duport-Millanois" établit, le 14 septembre 1822 (soit 8 jours avant son décès), l'inventaire de son propre établissement. Il déclare qu'il possède 214 métiers en activité et 48 en chômage, qu'il emploie 214 ouvriers, 16 apprentis et 3 garçons teinturiers, 9 ourdisseuses, 58 dévideuses et 42 cannetières, encadrés par 3 maîtres de tissage et 2 maîtres de teinturerie. Son personnel s'établit donc au nombre de 347 personnes, « des deux sexes, toutes de la commune ou du Duché ; il n'y a de Lyon que les deux contremaîtres de teinture. » [Source : secrétaire d'Intendance du Genevois ADHS 4FS 479]

Il décède le 22 septembre 1822, dans son château de Faverges (Duché de Savoie). Par testament, il fait une dotation pour l'achat d'un cimetière pour la paroisse de Faverges, fondée en 1803, mais qui n'en possède pas. Sa veuve exécute ses volontés l'année suivante et le curé André en fait la bénédiction devant 4000 fidèles. [Source : registre des mariages de la commune de Faverges du 1er janvier 1824]

Manufacture de soie Blanc puis Stünzi

Les Établissements de la Manufacture de Soieries Duport-Blanc (1806-1859), ... Gourd-Croizat-DUBOST puis Stünzi (1902-1981) - Les anciens et les nouveaux bâtiments.

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  • Pajani Bernard-Marie
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges.
Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges. Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.

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