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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 06:30

Le Village antique de "Casuaria"

Bien qu'une présence humaine sur le site de Viuz-Faverges soit justifiée par la découverte d'objets de l'âge du fer (VIe siècle avant J.C) 1, son nom n'est pas connu pour cette époque éloignée.

La petite bourgade gallo-romaine qui se trouvait à l'emplacement du hameau actuel ''Viuz'', s'appelait sans nul doute au début de notre ère, « Casuaria ». Attestée dans l'itinéraire d'Antonin qui décrit les bourgades se trouvant entre Genève (Geneva) et Aoste en Italie (Augusta Praetoria), elle porte le nom de « Casuaria », entre « Boutae » (Les Fins d'Annecy) et « Ad Publicanos » (bourgade non retrouvée, mais située assurément près de la ville d'Albertville actuelle, à la confluence entre l'Isère et l'Arly).

Étymologiquement, le nom ''Casuaria'' provient du mot celte ''Casua'' signifiant ''la Chaise'' auquel est adjoint le suffixe ''-aria'' (dérivant du préfixe ''are-'') signifiant ''près de''. Le vicus celte puis gallo-romain était situé « près de la Chaise », ruisseau qui descendait de la vallée du Bouchet, le nant des Tines ou rivière de Monthoux, et se jetait dans le lac d'Annecy, avant que ses alluvions et ceux du torrent descendant du vallon de Saint-Ruph viennent obstruer la vallée de Faverges, et dévier son cours vers l'est. En effet, à l'époque glaciaire et durant les millénaires qui ont suivi, la Chaise actuelle coulait en direction de l'ouest, en-dessous du glacier descendant du Val d'Arly dont l'une des langues glaciaires allait vers Albertville, entraînant le ruisseau du même nom, et l'autre vers Annecy, entraînant la Chaise et le torrent de Saint-Ruph.

Annessiacum Marlindum« Quoiqu'il en soit de toutes ces conjectures », l'empereur Lothaire ne cite pas Casuaria ni Fabricas dans sa cession faite à sa femme Tietberge, le 17 janvier 867, par laquelle il lui donne en propriété : « in pago Januensi (Genevensi), Annessiacum, Belmontem, Talyuirum, Ducziardum, Marlindum, etc... » 2. Aucune des deux bourgades de Viuz ni de Faverges n'étant citée entre Doussard et Marlens, il ne fait aucun doute qu'en cette fin de IXe siècle, Viuz n'existe plus, sans doute rasée lors des invasions Alamanes successives, puis durant les siècles qui ont suivi la ''Pax romana''. Les quelques puis nombreuses ''Fabriques'' ne sont pas encore réellement installées sur le torrent de Saint-Ruph. Ce ne sera qu'au début du XIe, voire de la première moitié du XIIe siècle, que le vallon de Tamié se développera suite à la présence des moines due à la fondation de l'Abbaye en 1132 par Pierre II de Tarentaise.

Charles Marteaux (1861-1956), dans sa description de ''La voie romaine de Boutae à Casuaria'' 3 qu'il fait paraître en 1903 dans la Revue Savoisienne, avance que ''Viuz'' vient de vicus, et dénie à ''Casuaria'' son origine, prétextant que le hameau a donné son nom à la Chaise voisine, et non l'inverse. Pourtant, dans son répertoire des noms de lieux 4, d'après le cadastre de 1730, paru dès 1933 à l'Académie Florimontane, il avance les hypothèses inverses. A savoir que l'origine de ''Viuz'' est bien la même que celle de ''vieux'' et que ''Casuaria'' a bien tiré son nom du torrent qui traversait la plaine où le village était établi.

De nos jours, il ne fait plus aucun doute que cette dernière hypothèse, certifiée par les historiens et chercheurs successifs est celle qu'il faut retenir. Le bon sens a enfin prévalu. On ne peut honnêtement continuer à prétendre que la mansio gallo-romaine s'étendait jusqu'à la Chaise actuelle, si ce n'est par pure forfanterie pour donner une origine romaine à Viuz, dont l'évidence n'est pas à démontrer.

Vieux FavergesLes recherches et sondages actuels permettent d'établir que toute la plaine qui s'étend entre Faverges et Saint-Ferréol était marécageuse, insalubre et par conséquent hostile à toute occupation humaine. Charles Marteaux lui-même avait hésité à établir, il y a un siècle, que la voie de Boutae à Ad Publicanos passait par le détroit de Marlens, sans pour autant envisager qu'elle pût prendre le chemin du col de Tamié pour se rendre à Ad Publicanos. En effet, il a dénié successivement tous les éléments qui avaient été mis au jour 5 entre Casuaria 6 et le col de Tamié, ne pouvant se résoudre à admettre cette hypothèse qui apparaît de nos jours évidente, depuis les fouilles effectuées dans l'ancienne propriété Chapellain du Thovey, à partir de 1982, puis celles de la rocade de Faverges, avant la mise en service de celle-ci en 1993. Charles Marteaux parle d'une mansio impériale qui se trouverait près de l'ancienne gare de Faverges. Il n'a pas pu franchir le pas, à son époque ; mais, confortés par les éléments nouveaux portés à notre connaissance, nous pouvons le faire de nos jours.

Les inondations de la plaine ont été très nombreuses, depuis les temps les plus reculés, accumulant une hauteur d'alluvions très conséquente dans la plaine. Les plus importantes - dont on a conservé la trace sur un plan (propriété de M. Jacquin) dressé par l'ingénieur Garrellaz en 1744 - date des 1er, 2 et 3 janvier 1737 et avril 1744. Elles s'étendaient de la Glière (lieu plat situé au débouché de la gorge qui descend de l'amont de Faverges sur lequel le torrent déverse les graviers qu'il charrie) à l'église de Viuz, avec deux bras dont l'un s'en allait en direction de la Balmette, Mercier et Vesonne, dans le lac d'Annecy par le cours actuel de l'Eau-Morte, et l'autre dans l'Isère, en utilisant le cours du torrent de la Chaise, à partir de Saint-Ferréol.

09 08 1737 Inondation Eau Morte 1bis rectifiéeCela explique pourquoi, lors de la construction de la gare de Faverges avant 1899, la compagnie PLM qui cherchait à atteindre la nappe phréatique pour obtenir de l'eau pour ses trains de la ligne Annecy-Albertville, a rencontré, lors de ses fouilles, la margelle d'un puits romain, à 12 mètres de profondeur (in Charles Marteaux, 1904, dans son répertoire des sites romains repérés).

(à suivre ''Le village moderne de Viuz-Faverges'')

Copyright Bernard Pajani

La signification du Copyright est la suivante : ''Le droit d'auteur en France est régi par la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985, codifiées dans le code de la propriété intellectuelle"


1 Alain Piccamiglio et Maxence Segard, « Le site de Viuz-Faverges/Casuaria (Haute-Savoie) : agglomération, sanctuaire et villa dans la cluse d'Annecy », Revue archéologique de Narbonnaise, vol. 38, no 39,‎ 2005, p. 105-129

2 In ''Muratori, Antiquae Italicae'', Tome II, p.122

3 In ''La voie romaine de Boutae à Casuaria'' – Charles Marteaux, 1903, Académie Salésienne

4 In ''Les noms de lieux, d'après la mappe de 1730'' – Charles Marteaux, 1933 à 1938, Académie Florimontane

5 Aux environs de Viuz, les éléments ne manquent pas, fûts de colonne, ornements en marbre, instruments sacrificatoires, dalles de grès contenant des ossements, et même une colonne miliaire. La plupart de ces éléments ont toutefois disparu. Sans oublier un nombre considérable de monnaies anciennes dont plusieurs en or et en argent qui sont entrées dans des collections particulières. Sur Verchères, des tombes ont été découvertes superposées à des débris romains, contenant des éléments funéraires et des plaques boucles burgondes. Chambellon serait ''Campus bellonis'', Frontenex ''Frontinacus villa'' et Seythenex ''Sextinacus villa'', trois bourgades gallo-romaines, sur les terrains desquelles ont été trouvées des monnaies d'empereurs romains.

6 La villa du Thovey est précisément située à XVII miles romains de Boutae, sur la route qui mène à Ad Publicanos.

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  • Pajani Bernard-Marie
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges.
Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.
  • J'ai parcouru tout le territoire savoyard, d'Ugine à Thonon, en passant par Faverges, La-Roche-sur-Foron, Bonneville, Albertville, Sevrier, Annecy pour revenir à Faverges. Je suis aussi à la recherche des camarades des classes fréquentées.

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